A l’heure où les évolutions sociétales et technologiques semblent aussi rapides qu’imprévisibles, où le court terme apparaît comme la norme de pensée et l’horizon indépassable, il peut être bon de prendre de la hauteur et de tourner son regard vers l’avenir. Il est salutaire de s’essayer à imaginer de quoi sera fait demain, à partir de ce que nous voyons aujourd’hui.
Cette démarche s’appelle la prospective, elle consiste à partir du présent, avec ses incertitudes, ses fortes probabilités, ses signaux faibles, pour tenter de définir les différents futurs possibles et la façon de les orienter, par des actes, vers des futurs souhaitables.
Il y a cinquante ans, un groupe d’experts s’y essayait pour le compte de l’Etat :
Cet exercice est d’autant plus utile qu’il peut permettre d’actionner, aujourd’hui, les leviers qui auront demain des impacts sur l’emploi, l’économie, l’énergie, la santé…bref sur la société dans son ensemble. On peut ainsi voir si essayer des groupes industriels ou internationaux (ex: La Fabrique de la Cité de Vinci), des « think-tank » plus ou moins politisés (ex : Fondapol), des agences spécialisées (ex : B1 – AKT, Futuristes), l’Etat avec l’ancien commissariat au plan, ou encore les collectivités locales et la société civile organisée via notamment les conseils de développement (ex: la section prospective du Conseil Econonomique, Social et Environnemental de Lorraine).
Du risque de dérives…
Il est alors clair que la notion de « futur souhaitable » n’est pas la même que l’on soit dirigeant d’un grand groupe industriel, scientifique auprès d’un organisme gouvernementale, ou encore responsable associatif ou syndicale auprès d’un conseil de développement. La naissance et le développement d’un nombre imposant de « think-tank » s’essayant à des travaux prospectifs traduit, en réalité, des lobbys et des jeux d’influences qui cherchent à « dessiner » le monde de demain.
Face à un Etat qui n’apparait plus depuis plusieurs années comme détenteur de LA boussole et dont les objectifs sociétaux à long terme ne sont plus aussi clairement exprimés (ni même suivis ?) que pendant les Trente Glorieuses et son Commissariat au Plan, de nombreuses officines se piquent de vouloir aider à définir les futurs souhaitables et d’en donner les clés opérationnelles aux « décideurs politiques ».
Est-ce un mal à déplorer ?
Pour partie, oui.
Non qu’il faille regretter la généralisation d’une démarche visant à penser le futur, ni même que des groupes d’intérêts réfléchissent à la chose. Non. Ce qu’il faut déplorer c’est l’entre soi qui y est la règle. Rarement ces productions, ces visions qui proposent une lecture de l’avenir de la société, ne sont soumises à la sagacité du public et au débat collectif. Produites par quelques « experts », elles sont souvent présentées lors de colloques ou de tables rondes rassemblant décideurs politiques et économiques, dans des endroits « où l’on entend crisser les viennoiseries« . On voit bien ici les limites de la démarche, qui peut confiner à un savant jeu d’influences et être suspectée de servir à « vendre » une vision du futur bien plus propice aux affaires qu’à l’intérêt général.
Aux initiatives citoyennes intéressantes
Face à cela, quelques initiatives citoyennes et collectives existent :
Les sections prospectives des Conseils Economiques, Sociaux et Environnementaux régionaux.
Chaque région (et chaque future région) se doit d’être dotée, en plus de son Assemblée Régionale, d’un Conseil Economique, Social et Environnemental Régional (CESER). Ceux-ci rassemblent une grande variété d’acteurs économiques et sociaux du territoire (nommés par le Préfet et le Président du Conseil Régional) et se doit de réfléchir et donner des avis sur la politique régionale. Ces Conseils ont une section prospective, chargée de penser l’avenir. Ces sections sont généralement composées de membres du CESER, auxquels s’ajoutent des personnalités extérieures nommées par le préfet. Ainsi, en Lorraine, les 18 membres de la section prospective ont livré en 2013 un rapport sur « Quelle citoyenneté en 2030 ? » et tente depuis 2014 de produire un rapport sur « Vivre en Lorraine en 2040 ».
Malheureusement, alors que l’ambition de la section lorraine était d’aboutir à une production « vivante », accessible par tous, que chacun puisse s’approprier ou mettre en débat, la réforme territoriale et la perspective de la Région Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne risque de marquer un coup d’arrêt à ses travaux.
Les initiatives associatives
D’autres initiatives, associatives celles-ci existent, avec pour objectif de faire participer le plus grand nombre.
Que ce soit celle de l’Institut des Futurs Souhaitables, celle des ateliers de prospective citoyenne, ou encore des démarches propres à questionner sur les enjeux du changement climatiques, tels qu’ Our Life. Ce dernier est un outil participatif très intéressant. J’ai pu utiliser dans le cadre d’animations des Petits Débrouillards dans les quartiers populaires et pour lequel un prochain article s’impose sûrement.